Lettre ouverte du préfet au collectif SOS LRC : où il est question d’agri-bashing

Le 27 mai 2021, le préfet du Doubs, M. Joel Mathurin a signé une lettre ouverte à l’attention du collectif SOS Loue et Rivières Comtoises. Dans celle-ci, les pratiques du collectif sont publiquement comparées à de l’agribashing. Ces propos, dont nous vous encourageons à prendre connaissance ci-dessous, méritent une réponse publique. Nous aurons l’occasion plus tard de reparler des chiffres mais parlons déjà de la forme. Voir notre communiqué ci-dessous.

Suite aux mortalités piscicoles massives survenues dans les cours d’eaux comtois en 2010, le collectif SOS Loue et Rivières Comtoises a été créé par plusieurs associations de protection de l’environnement dans le but de mettre leurs moyens en commun pour faire reconnaître la situation alarmante de nos rivières et proposer des solutions. Ce collectif regroupe désormais plusieurs milliers de membres.

Onze ans après, non seulement l’état des rivières ne s’est pas amélioré, mais il s’aggrave continuellement, malgré la mise en place d’une conférence départementale, des centaines de réunions, et de nombreuses études, qui ont entraîné la prise d’un certain nombre de mesures correctives qui onze ans après montrent, clairement, sur le terrain, leur insuffisance.

Nous avons toujours joué la transparence, le partenariat et parfois un rôle de conseil auprès des différents acteurs impliqués dans ces pollutions et les mesures qui ont été prises.

Nous avons toujours dénoncé les défauts d’assainissement, les traitements du bois en forêt, l’artificialisation des milieux, la destruction des zones humides, diverses pollutions industrielles, les pratiques agricoles et même certaines pratiques sportives qui toutes nuisent aux milieux.

Cependant l’étude du laboratoire Chrono- environnement, de l’université de Franche-Comté, dont vous faites état, a mis en évidence la part de responsabilité des pratiques agricoles actuelles dans l’état de dégradation avancé de nos cours d’eau. Il est donc démontré scientifiquement que nous ne sauverons pas nos rivières sans une modification radicale de ces pratiques. Or ce changement n’est pas en cours et les mesures proposées tiennent plus du «greenwashing», autre anglicisme à la mode, que de mesures capables de changer la situation actuelle de nos rivières.

Nous dénonçons avec vigueur le terme « d’agri-bashing », terme créé par les communicants du syndicat agricole majoritaire dont la dérive productiviste est dénoncée par une partie de la profession, terme qu’il est surprenant de retrouver sous la plume d’un représentant de l’État.

Dénoncer les manquements à la loi, est-ce de «l’agri bashing» ? Dénoncer certaines pratiques polluantes, illégales, tolérées depuis des années, est-ce de «l’agri bashing» ?

Bien au contraire, nous n’avons jamais tenu de propos insultants, diffamatoires à l’égard du milieu agricole. Nous ne dénonçons que des faits avérés, parfois illégaux, et ne proposons que des mesures validées scientifiquement.

C’est pourtant bien un de nos membres qui a été sauvagement agressé, alors que garde assermenté il n’avait fait que son travail. Par ailleurs, nous recevons régulièrement des insultes, des menaces physiques, même parfois de la part d’élus, sur les réseaux sociaux, dont nous n’avons jamais fait état jusqu’à ce jour.

Les premières mortalités datent de onze ans, l’altération des milieux est constatée depuis plus de 30 ans. Même à l’échelle des milieux naturels, c’est un temps long et force est de constater qu’aucune amélioration n’est perceptible, la dégradation est continue et nous n’avons désormais plus le temps. Encore quelques années et c’en sera fini de rivières qui furent parmi les plus belles d’Europe.

Nous sommes convaincus que sauver nos rivières c’est aussi sauver la qualité, l’originalité et la valeur économique de notre production agricole, en particulier nos fromages.

Nous sommes franc-comtois, nous aimons notre terroir et nous respectons le monde agricole, dont certains de nos membres sont issus, mais nous savons aussi que l’on ne peut continuer dans cette voie, que l’on ne peut faire produire plus à un terroir que ce qu’il peut donner sans entraîner de graves conséquences écologiques. Les causes sont démontrées, les solutions connues, nous attendons effectivement de l’état une coordination d’actes forts mis en œuvre sans esprit partisan.