Région BFC : Interdisons les drainages agricoles et les arrachages de haies

Les Collectifs Saône et Doubs Vivants et SOS Loue et Rivières Comtoises demandent à l’Etat d’interdire définitivement les drainages agricoles et les arrachages de haies en Bourgogne Franche-Comté.

Au moment où la Région entre dans une sécheresse historique, où les arrêtés sécheresses et les premiers rationnements d’eau se multiplient, où l’État et les collectivités demandent à chacun d’entre nous de réaliser des efforts pour économiser l’eau, l’agriculture industrielle continue à mettre en œuvre des pratiques qui détruisent les ressources en eau régionales.

Depuis plusieurs années, les Collectifs Saône et Doubs Vivants, SOS Loue et Rivières Comtoises alertent les autorités sur l’impact du drainage sur les ressources en eau, mais rien n’y fait. En mai dernier sur la commune de Bruailles (Bresse, Saône et Loire), plus de 10 hectares de prairies humides ont encore été drainés, retournés pour semer une  plante particulièrement gourmande en eau – le maïs.

Cette opération n’est pas la seule ; elle a été répétée des dizaines de fois ces dernières années dans la région, souvent couplées à des arrachages de haies, des remembrements parcellaires. Si ces pratiques pouvaient être tolérées sous un climat abondant en pluviosité, elles ne sont plus acceptables aujourd’hui. Le drainage, tel que conçu, détruit et assèche définitivement les zones humides et réduit drastiquement les capacités de rétention en eau des sols : celles-ci pourraient servir dans les périodes critiques que nous vivons et vivrons plus encore demain.

Le drainage est UNE VRAIE FABRIQUE À DÉSERT, et cela sans compter les pertes définitives de biodiversité et de stockage de carbone qu’apportaient les prairies naturelles.

Le réchauffement climatique en cours doit conduire à changer de modèle agricole. Il faut abandonner cette pratique qui favorise un modèle agro-industriel grand consommateur de ressources et générateur de la croissance des exploitations au point d’en rendre la transmission quasi-impossible sauf à être rachetées par des fonds de pension étrangers. Ces pratiques jettent le discrédit aussi sur les agriculteurs qui pourtant sont de plus en plus nombreux à s’engager dans les voies de l’agro-écologie.

Il est grand temps que l’agriculture régionale fasse sa révolution. Il est grand temps aussi que les pouvoirs publics et notamment l’État stoppent cette fuite en avant en interdisant purement et simplement tout nouveau remembrement, tout nouveau drainage, toute suppression de haies.

Ces agriculteurs qui assèchent les sols et suppriment haies et zones humides, sont aussi malheureusement ceux qui demandent aujourd’hui l’appui des pouvoirs publics pour développer un grand programme de retenues collinaires dont le seul but est de faire perdurer un système agricole à bout de souffle, un système agro-industriel rejeté par la plupart de nos concitoyens.

La sauvegarde de notre ressource passera en effet, en agriculture, par de nouvelles pratiques d’élevage et de cultures, de nouvelles variétés et semences  plus  résistantes à la sécheresse. Mais aussi par un Plan Marshall qui visera à reconfigurer nos territoires – replantations de haies, restaurations des milieux aquatiques et des zones humides… à reconquérir aussi la qualité de l’eau.

Les réponses qui consisteraient seulement à répondre au manque d’eau par la recherche de nouvelles ressources (recherche en profondeur, interconnexion de bassins) ou l’augmentation des capacités de stockages (retenues collinaires, barrages), sans remise en cause de notre modèle de développement seraient voués à l’échec.

On ne résout pas un problème avec les mêmes méthodes que celles qui en sont la cause. L’humanité est pétrie d’exemples de sociétés disparues qui n’ont pas pris la mesure des changements à effectuer face à la diminution de ressources.

Non, la bataille de l’eau qui s’engage face au réchauffement climatique, ne doit pas être dévoyée par quelques intérêts particuliers. Elle doit être menée collectivement dans le cadre d’une transition civilisationnelle qui allie sobriété et efficacité dans l’utilisation des ressources.

Nous comprenons d’autant moins la passivité de l’Etat face à de telles pratiques que le SDAGE souligne la nécessité de préserver les Milieux Humides (MH). Ainsi, le 23 juin 2022, la CLE Haut Doubs-Haute Loue a présenté une première ébauche du Plan de Gestion Stratégique des Milieux Humides qui fait valoir les fonctions majeures de ces écosystèmes : protection des inondations, rétention et épuration de l’eau, réservoir de biodiversité etc. Rappelons que la définition réglementaire des MH présente dans la loi du 24 juillet 2019, précise que les MH incluent « tous les terrains gorgés d’eau de façon permanente ou temporaire », donc forcément les terrains concernés par le drainage. Le plan note au passage que 70 % de ces milieux ont déjà été détruits et il définit sans ambiguïté les objectifs : « préserver les MH de l’artificialisation et de l’intensification des usages ». Il est donc temps d’en finir avec ce grand écart et que l’Etat mène une politique de préservation des Milieux Humdies conforme à ses propres préconisations.

Les associations de défense et de protections des rivières de Franche-Comté réunies au sein du Collectif Loue et Rivières Comtoises, Saône et Doubs Vivants, et la Fédération FNE Bourgogne Franche-Comté en appellent par conséquent en urgence :

  • aux Préfet de Région et aux 8 Préfets de départements de la Région Bourgogne Franche-Comté pour prendre des arrêtés préfectoraux interdisant sur tous les territoires communaux, les remembrements, les drainages, les suppressions des zones humides et des haies.
  • au Préfet de région et à la Présidente de Région d’organiser dès à présent des États régionaux de l’eau pour mettre en place un grand plan Marshall de préservation de l’eau qui engageront pour les 10 prochaines années, l’ensemble de la communauté régionale dans un esprit coopératif et d’entraide. Un plan qui assure la pérennité des milieux, les besoins vitaux et les besoins des activités économiques dans le respect de la hiérarchie des usages en complémentarités. Les associations pourront apporter leur contribution  comme la plupart des structures engagées dans la transition. Alors les draineuses pourront trouver une seconde vie, par exemple en développant un grand programme de réfection des conduites des réseaux eau potable (dont les fuites s’élèvent à plus de 25%) ou encore à la réhabilitation des zones humides en supprimant les anciens drainages.

Aspects législatifs. Nous rappelons que les Préfets peuvent prendre des mesures de protections des biotopes (voir liste Art. R.411-15-1 ci-dessous)

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000037838804

« Décret n°2018-1180 du 19 décembre 2028 relatif à la protection des biotopes et des habitats naturels… »

« Art. R. 411-15.-I.-Pour l’application de la partie réglementaire du code de l’environnement, on entend par biotope l’habitat nécessaire à l’alimentation, la reproduction, le repos ou la survie de spécimens d’une espèce figurant sur l’une des listes prévues à l’article R. 411-1.
« II.-Peuvent être fixées par arrêté pris dans les conditions prévues au III les mesures tendant à favoriser la protection ou la conservation des biotopes tels que :
« 1° Mares, marécages, marais, haies, bosquets, landes, dunes, pelouses, récifs coralliens, mangroves, ou toutes autres formations naturelles, peu exploitées par l’homme ;…. »