Rejoignez notre recours : Rivières en « bon état », vraiment ?

RENTRÉE 2022LANCEMENT D’UN RECOURS

Les associations ANPER-TOS (reconnue d’utilité publique depuis 1985) et le Collectif SOS LRC (Loue et Rivières Comtoises) travaillent sur un projet de recours contestant l’attribution du qualificatif “BON ÉTAT” affectée aux rivières salmonicoles et karstiques du bassin du DOUBS et du massif jurassien, rivières qui constituaient des fleurons de notre patrimoine naturel régional et national.  

UN CONSTAT PARTAGÉ

A l’instar de la Loue, ces rivières abritaient il y a une douzaine d’années encore une biodiversité exceptionnelle et attiraient des visiteurs nombreux, en quête d’une nature riche et préservée, bien au-delà des frontières du département. 

Les choses sont bien différentes aujourd’hui, des mortalités très importantes de salmonidés se sont multipliées depuis le début des années 2010, et sont encore régulièrement constatées aujourd’hui par les observateurs médusés, par exemple sur la Haute-Loue. 

Nos rivières souffrent également d’une maladie chronique nommée eutrophisation, une forme d’obésité, qui n’est pas sans rappeler celle provoquée chez l’homme par un excès de nourriture. En effet, elle se traduit par la production de quantités énormes d’algues vertes qui colmatent les fonds, les rendent sans vie, et qui, en pourrissant, asphyxient les rares survivants et perturbent leur reproduction. 

Les articles et reportages se succèdent pour dénoncer cette situation. Des associations de citoyens multiplient les alertes et les recours sans véritables résultats.  La colère monte chez les habitants des vallées concernées.

DES ÉTUDES NOMBREUSES ET SANS ÉQUIVOQUE

Plusieurs études scientifiques et rapports officiels ont pourtant tiré le signal d’alarme sur ces dysfonctionnements graves depuis de nombreuses années… Pour ne citer que quelques sources parmi les plus représentatives :

  • Dès Mars 2020, la Note Technique N°3 DU SDAGE Rhône- Méditerranée-Corse indique que les cours d’eau du karst jurassien présentent une eutrophisation quasi généralisée avec des biomasses parmi les plus importantes du bassin. A noter que la lutte contre l’eutrophisation fait toujours partie des orientations fondamentales du SDAGE actuel 2022/2027, et identifie notamment la LOUE, le DESSOUBRE, le CUSANCIN, le DOUBS FRONTALIER (et c…) comme « des milieux sur lesquels l’eutrophisation est avérée et des milieux en équilibre fragile » (carte 5B-A)
  • En 2012, l’étude BIOEMCO-ONEMA, conduite par un groupe de scientifiques dirigée par le Professeur Jean-François Humbert à la demande du Préfet, concluait à des déséquilibres graves de tous les édifices biologiques. Cette étude confirme que ces mêmes cours d’eau ont « une charge eutrophisante élevée à très élevée, inattendue sur ces cours d’eau de montagne et qui sont alimentés par des apports karstiques et situés dans un contexte prairial ».
  • L’étude « chrono-environnement-CNRS » dirigée par l’Université de Franche-Comté établit que les rivières de Franche-Comté́ « subissent une érosion lente mais continue de leurs fonctions biologiques », et évalue la perte de biodiversité (salmonidés, insectes indicateurs et autres organismes aquatiques) entre 50 et 80% selon les secteurs, par rapport à l’état de référence. Elle conclut également que « Cette évolution négative semble s’être affirmée, sinon accélérée, depuis peu ».
  • Les inventaires piscicoles menés année après année par la Fédération de pêche selon un protocole normalisé confirment cet ordre de grandeur pour la perte de biodiversité. Ainsi, par exemple, l’inventaire effectué le 22/10/2021 à Mouthier-Haute-Pierre (code AERMC 06031400) sur la Haute-Loue évalue les classes d’abondances à 2/5 pour la Truite Fario et le Chabot, et à 1/2 pour l’ombre commun. Le rapport se termine sur l’appréciation suivante : “Peuplement global en état moyen à mauvais, en dégradation”. Précisons que cette station de référence est située en tête de bassin, où les perturbations anthropiques sont normalement les moins importantes, ce qui est d’ailleurs confirmé par l’inventaire piscicole effectué le 21/10/2021 à Cléron, et qui obtient l’appréciation suivante : “Peuplement global en très mauvais état, en dégradation”.

Aussi, le classement actuel en «Bon État Écologique» de la Loue, du Dessoubre, du Cusancin, du Lison, de la Brême, et du Doubs franco-suisse interpelle. 

NB : Ce classement peut être consulté sur le site gouvernemental Eaufrance.fr ainsi que sur l’application « Qualité Rivières » mis à disposition par les Agences de l’eau.  

UN EXEMPLE : LA LOUE

Ainsi, par exemple pour la Loue, dont la station de Mouthier-Haute-Pierre (code AERMC 06031400) citée plus haut est la station de référence, est officiellement en Bon Etat Écologique et Chimique depuis 2019 :

source du tableau = https://www.rhone-mediterranee.eaufrance.fr/station-06031400

Force est de constater le décalage complet entre les différents classements dont peut bénéficier cette rivière et la réalité sur le terrain qui met en évidence en certains endroits la quasi disparition des espèces piscicoles et une eutrophisation massive !

Déjà en 2015, M. VINDIMIAN du CGEDD, détaché par le ministère de l’écologie pour une mission de médiation sur la pollution des rivières karstiques de Franche-Comté, soulignait dans son rapport : “un autre constat doit être fait : celui de l’inadéquation des outils de diagnostic de la qualité des eaux mis en œuvre dans le cadre de la Directive Cadre Européenne sur l’eau (DCE)​ : ​N’aurions-nous pas les bons thermomètres ?​”

Quelles conclusions et quelles modifications ont été tirées de ce rapport sur ce point ?

Comment instaurer une logique juridico-administrative en niant officiellement la réalité et la gravité de la situation ?

Comment mobiliser tous les acteurs sur ce bassin avec cette attribution de “BON ETAT”, qui est assurément ​un encouragement officiel à ne rien faire​ ?

Face à autant d’incohérences, nous avons décidé d’engager un recours devant la justice administrative.

Notre argumentation établira notamment que l’application aux rivières karstiques du massif jurassien de l’arrêté du 25 janvier 2010 modifié, relatif aux méthodes et critères d’évaluation de l’état écologique, de l’état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface pris en application des articles R.212-10 et suivants du code de l’environnement, n’est pas adaptée aux spécificités de ces milieux puisqu’elle permet de qualifier leur médiocrité actuelle de BON ÉTAT. 

Vous êtes toutes et tous invité.e.s à vous joindre à ce recours : associations de protection de l’environnement, AAPPMA, professionnels de la pêche, du tourisme ou des loisirs, entreprises, élus, particuliers, etc…, nous sommes tous concernés. 

Un financement participatif, afin de payer les frais d’avocat, est désormais lancé. Vous pouvez contribuer en ligne en cliquant sur le lien :

Pour toute demande d’information, contactez-nous à info@soslrc.com


ANNEXE : 

Rappel des plaintes précédentes

  • Une procédure de plainte a été engagée par la commission européenne de l’environnement en 2011 – sous la référence CHAP 2011/429 – suite à notre signalement de graves déséquilibres sur les rivières karstiques du sous bassin du Doubs : Loue, Cusancin, Dessoubre, Doubs franco-suisse, Ain,… avec des mortalités salmonicoles importantes et des problèmes d’eutrophisations massives. Cette procédure de plainte a été suspendue par la commission européenne suite à une série d’engagements des autorités françaises, dont notamment le lancement d’une étude sur le fonctionnement de la Loue et de son bassin versant menée par un groupe d’experts nationaux et locaux (étude BIOEMCO-ONEMA, vu ci-dessus). Il conviendra donc de reprendre contact avec la commission européenne pour les informer de ce recours, afin qu’elle puisse décider de la suite à donner.
  • Par ailleurs, un recours demandant annulation de l’arrêté 21-325 du 23 Juillet 2021 « portant désignation des zones vulnérables nitrates d’origine agricole dans le bassin Rhône-Méditerranée » a été déposé par ANPER-TOS le 27/11/2021 au Tribunal Administratif de Lyon.