Par centaines, ils sont morts dans l’indifférence

Le week-end est terminé. Comme d’habitude, nous n’avons pas fait de pause. Des mails, on en reçoit tous les jours. On pourrait décider de pas les regarder le dimanche mais imaginez que nous passions à côté d’une pollution importante, nous nous en voudrions, forcément. Parce que oui, les pollutions, enfin plutôt LA pollution, ne prend pas de jours de congés.

Hier, nous étions à Consolation-Maisonnettes dans le cadre de la fête de la Nature. Nous n’avions pas tenu de stand pour le collectif SOS Loue et Rivières comtoises depuis un an. Il n’y a pas eu foule – le temps était à la pluie – mais nous avons pu échanger avec le public présent et recharger un peu les batteries :

« C’est bien/important/utile ce que vous faites, continuez »

Le public rencontré lors de notre stand à la fête de la Nature à Consolation (25), 25/09/2022

Oui, merci. Ces mots sont utiles, si vous saviez ! Même s’ils ne suffisent pas.

Ce matin, nous ouvrons notre boite mail. 60 messages non lus dont 5 nouveaux reçus ce matin. On prend du retard sur certains messages car on sait qu’ils vont nous prendre du temps pour y répondre. Et au milieu de tout ça, parmi les derniers messages reçus, un message nous interpelle en premier. Avec ce titre :

FWD : POLLUTION À ROUTELLE

On n’aime jamais les messages avec un titre pareil. Avant de cliquer, on espère que ce ne sera pas trop grave. Un peu de mousse par çi, quelques algues par là. Puis on clique. Et on voit ça.

Cette photo nous saute aux yeux. On a un haut le coeur. « Bordel, c’est quoi encore ce truc. » On vérifie la date du message transféré. Il date du jeudi 22 septembre à 20:41. On se demande pourquoi on n’a pas eu l’info avant, c’est du sérieux une telle mortalité !

On part faire des recherches sur internet, parce que c’est notre compétence après tout. Et on tombe de haut. Cette pollution date déjà du 30 août. Et on n’en a même pas entendu parlé.

Et pourtant, on essaie d’avoir des yeux partout. C’est le principe de nos sentinelles réparties sur le territoire de la Franche-Comté. Mais là, silence radio, rien. Rapidement, même si ce n’est pas le principal, on essaye de comprendre comment on a pu passer à côté. Début septembre, on était déjà sur deux autres cas de pollution, pile à ces mêmes dates en Haute-Saône, à Savoyeux et Lure. Pollution pour lesquelles nous avons aidé à la rédaction des plaintes avec la CPEPESC. Par ailleurs, nous étions en train de suivre et de documenter le début du massacre de la rive de la Saône pour la construction de la véloroute, en Haute-Saône également. Sans parler du lancement de notre recours contre la qualification de « Bon état » des rivières comtoises. Bref, nous étions débordés.

Et pourtant, il y a eu un article, tout petit, dans l’Est Républicain, 157 mots (L’article est ici https://c.estrepublicain.fr/environnement/2022/09/01/le-ruisseau-de-benusse-pollue) Rien sur France 3 (comme nous, ils ont du passé à côté de l’info ?)

157 mots, ce n’est même pas un mot par poissons morts. Car là, on parle bien de centaines, peut-être même de milliers de poissons morts. Et le ruisseau d’une couleur et d’une odeur épouvantables. Qui ne laisse guère de doute quand à la source de la pollution.

Notre informateur nous en apprend plus

Dans la foulée, nous appelons notre informateur. Sa voix trahit à la fois sa grande colère face à ce qu’il a vécu, et c’est compréhensible, mais aussi son « soulagement » d’être enfin écouté et compris.

« Ça va faire un mois. Des milliers de poissons sont morts dans l’indifférence. J’en ai même vu qui essayaient de sortir de l’eau parce qu’ils n’arrivaient plus à respirer. Vous imaginez ? Des poissons qui essayent de sortir de l’eau pour tenter de survivre ! Et depuis, nous n’avons aucune réponse. On nous balade d’un service à l’autre. La gendarmerie a même refusé de prendre notre plainte. Comme on n’a pas de réponse, on tente de se rapprocher des associations. »

Notre témoin

Il s’agit ici, sans doute, même si c’est à l’enquête, (déjà en cours, la police de l’environnement ayant été prévenue dès le départ) de le confirmer, d’une défaillance (accident ?) d’une station d’épuration en amont du ruisseau de Sobant, petit affluent du Doubs, du côté de Dannemarie-sur-Crête.

Alors qu’allons-nous faire ?

Evidemment, nous aiderons la CPEPESC a rédigé une plainte. Porter plainte, surtout avec une mortalité piscicole de cette ampleur, c’est la moindre des choses. Car qu’importe s’il s’agit d’un accident ou non, la pollution a eu lieu et l’environnement a été fortement dégradé. Et même si nous savons que ce dossier s’ajoutera à une pile d’une taille que vous n’imaginez même pas et que la plainte ne sera peut-être pas traitée avant 2023 voire 2024, il faut quand même bien que ce dossier soit traité officiellement.

Mais surtout, et dès à présent, nous allons sortir ces poissons de l’indifférence. Et c’est ce que nous faisons en ce moment-même si vous êtes en train de lire ces lignes. Donnons autant d’importance à ces poissons que nous le ferions avec la plupart des autres espèces animales.

Ces animaux avaient survécu à un été dévastateur, causé par un dérèglement climatique aux origines humaines indéniables. Tout ça pour terminer anéantis, dans des souffrances inimaginables, par une pollution encore une fois d’origine humaine.

Une fois que cela est dit, ça ne suffit pas. Aidez nous à faire entendre la voix des rivières et de leurs habitants. Pour eux, merci.

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