Après les sècheresses estivales… les crues hivernales

par Jean-Pierre HEROLD

Les fortes pluies et les crues du mois de novembre déposent des traces appelées : « laisses de crues » qui sont des résidus en tout genre sur les zones inondées.

C’est d’abord le lit majeur des rivières et les secteurs inondés qui subissent  un effet « chasse d’eau »  entraînant puis déposant tous les polluants accumulés durant les mois de sécheresse : les plastiques sont bien sûr les plus visibles, pendus aux arbres et buissons, le long des rives, mais aussi des produits ultimes et les déchets de la civilisation de consommation. 

Pour identifier l’origine de ces résidus qui peuvent être toxiques, il est difficile de procéder à des analyses chimiques ou biologiques. Ces « laisses » se présentent souvent sous la forme d’une mousse collante ou d’une pellicule gluante. Le meilleur appareil de détection est alors le système olfactif….

Comment procéder pour en identifier l’origine ?

Prélever une petite part de cette mousse et la frotter entre ses paumes, approcher le nez au plus près… et sentir lentement :

  • si la dominante est une odeur de pétrole : il s’agit de cuve de mazout noyée, d’hydrocarbures aromatiques poly-cycliques (résidus de combustion du mazout / gasoil = HAP cancérigène) d’origine routière
  • si la dominante est une odeur de lessive : il s’agit de tuyaux d’évacuation et/ou de fosses septiques noyées (détergents et surfactants toxiques)
  • si la dominante rappelle la matière organique fermentée : il s’agit de STEP (station d’épuration) noyée, de bassin d’orage et réseau rincé : présence de lisier, purin et le reste (surcharge en bactéries pathogènes).

L’ensemble de ces « arômes » sont adsorbés sur des matières organiques (protéines) ou des MES (matières en suspension, dont des argiles).

Tout le lit majeur des rivières inondées est crépi de ce mélange odorant et adhésif, dont l’identification peut être délicate, mais dont la toxicité est certaine. Pour la faune aquatique, on a fort peu de données sur ces effets toxiques pour la simple raison que personne ne procède à des prélèvements,

….  face à l’urgence, les actions qui sont les plus indispensables sont d’abord l’entraide et la solidarité, puis les déclarations aux assurances…les nettoyages et le séchage de toutes les surfaces mouillées.

Et puis analyser quelle eau ?  celle du courant principal de crue ou celles des remontées de nappe, des reflux des égouts, ou des inondations de surfaces agricoles ? La turbidité, les matières en suspension (MES), les irisations d’hydrocarbures en surface, les matières organiques de toutes origines, les mousses de nature indéterminées et tous ces déchets flottants sont autant de signes de pollutions majeures. Trop souvent, la collectivité compte sur les courants violents pour évacuer ces dangers vers l’aval et confier « in fine » au milieu marin le soin de digérer tout ces apports grâce au volume du milieu récepteur. On a tous vu l’ampleur des sédimentations de ces masses de déchets, dont certains forment un continent au milieu des océans. 

Alors que faire ? Dans le massif du Jura : Sensibilisation et Actions

Il faut expliquer ce qu’est un système karstique : une circulation d’eau rapide, peu de filtration, un réseau souterrain complexe et des résurgences, donc une situation à prendre en compte pour gérer les flux polluants.

Il faut demander aux agriculteurs/éleveurs de respecter les recommandations concernant les épandages, interdits sur sol gelé ou inondé. Les lisiers ne sont pas des déchets à évacuer mais des engrais à valoriser.

Il faut surveiller les STEP (stations d’épuration) : leur bon fonctionnement doit être assuré et des normes sont à respecter. Un système d’épuration tertiaire améliore considérablement leur rendement: un lagunage par exemple. 

Chaque citoyen doit gérer ses déchets et les évacuer dans des filières habilitées ou mieux faire un compost qui sera bien utile. 

Enfin, il faut entretenir et replanter la végétation des rives, qui contribue à l’autoépuration, réhabiliter les fontaines, les sources, les ruisseaux, pour renouer le lien entre les habitants des vallées et leur patrimoine hydrogéologique.