Nouvelles pertes du Doubs, c’était mieux avant ?

Petit billet d’humeur de Philippe Boisson, membre du Collectif SOS LRC et grand connaisseur des rivières. Il a tenu à réagir au récent assec du Doubs à Maisons-du-Bois. Assec qui a tendance à faire oublier une qualité d’eau lamentable.Bonne lecture!

Nouvelles pertes du Doubs, c’était mieux avant ?

Entre-Roches en 2009. Filet d’eau et surtout algues bien visibles.

Il n’aura échappé à personne que cet été, le Doubs a soudain perdu ses eaux. Les chaines de télévision ont relayé cette information singulière d’une rivière qui disparaît comme par magie, aspirée par le sous-sol. L’étonnement des touristes, l’inquiétude des riverains, le désarroi des pêcheurs, tout laissait penser que cette fin juillet sur la commune de Maison-du-Bois, le karst a subtilisé un monde rayonnant et plein de vie. Si beaucoup de médias ont traité ce sujet d’actualité “à chaud”, c’est le moins que l’on puisse dire au cœur de la canicule, personne à notre connaissance ne s’est soucié de l’état du Doubs sur ce secteur quelques jours, semaines, mois et années avant la fameuse disparition.

Quelques semaines et quelques jours avant, il ne restait que 1,5 m³/s sur Arçon. Dans cette eau baignaient des quantités impressionnantes d’algues filamenteuses où tentaient de survivre tanches, chevesnes, perches, gardons, presque exclusivement des espèces de seconde catégorie. En été, la rivière subit de fortes températures sur ce plateau, phénomène accentué par la couleur verte foncée des algues. Les variations du taux d’oxygène dissous se révèlent souvent fatales (consommation de l’oxygène par les algues durant la nuit) pour les espèces pisciaires et la macro faune dite “d’eau vive”. L’hydrobiologiste Jean-Paul Vergon (Diren), avait relevé des taux records de pousse des algues filamenteuses sur ce secteur il y a plus de vingt ans, avec 250g/m² /jour. Le Doubs à cet endroit est l’un des pires cloaques de la région et ce n’est pas nouveau. L’agriculture est devenue plus intensive, les villages se sont agrandis (demande des frontaliers), sans que personne ne se soucie de l’évolution de la ressource en eau.

Le Doubs à la sortie d’Arçon, 1,5 km en amont des nouvelles pertes du Doubs, le 28 juillet 2018. Un cloaque malgré le soutien de l’eau envoyée pour l’occasion depuis le lac de Saint-Point.

Les nouvelles pertes du Doubs, pour aussi dramatiques qu’elles soient, ne doivent pas être l’alibi idéal pour jouer la carte d’une fatalité qui dédouanerait tout le monde. Au contraire même, le fait que cette zone soit sensible, instable, depuis des décennies aurait dû pousser les populations et les élus à faire attention.

Le rire étant la politesse du désespoir, vous trouverez à travers ces propos de conclusion une sorte de cynisme (assumé), qui prouve si besoin était que nous avons touché le fond. Car au fond justement, ce qui s’est passé fin juillet sur cette portion du Doubs (dans un lit qui à cet endroit – rappelons-le – n’est pas le lit originel du Doubs), est un mal pour un bien. On peut en tout cas l’espérer car jusqu’à présent, l’eau dans le Haut Doubs a toujours été un libre service qui sert soit à alimenter les canons à neige, des fermes toujours plus consommatrices en eau, des villes qui veulent préserver un prix du m³ d’eau bon marché tout en s’agrandissant, etc. Entre pas d’eau du tout et un tout petit peu d’eau à 28°C à la limite de l’insalubrité, sans vie, un lit de cailloux n’est peut-être pas pire… Le paradoxe du Doubs est de fonctionner à l’inverse d’une typologie “normale” qui veut que plus on s’éloigne de la source, plus l’eau chauffe et plus les espèces tolérantes à un faible taux d’oxygène dissous et à des températures élevées trouvent leur place. Sur le Doubs, on trouve des truites et des ombres en aval de zone  “chaude” comme celle d’Arçon :  aval du barrage du Chatelôt, Goumois, Soubey, Saint-Ursanne, etc. Ces zones plus froides se passent très bien du bouillon de culture de la zone Pontarlier/Arçon/Saugeais. Cette eau là (en période d’étiage) est malheureusement sans grand intérêt. Aucun intérêt halieutique ou presque, intérêt écologique devenu mineur, très peu de volume pour la consommation. Elle évoque une sorte de caniveau qui disparaît dans un regard comme dans une rue. Son nouveau destin souterrain ne pourra que faire du bien à cette eau souillée par tant d’activités humaines.

Il sera bien difficile pour les élus locaux d’ignorer l’épisode de l’été 2018. En amont comme en aval, tout le monde devra faire attention à ce bien commun duquel nous dépendons tous à très court terme sous peine de vivre des années plus difficiles encore.

Philippe Boisson

2 réflexions sur “Nouvelles pertes du Doubs, c’était mieux avant ?”

  1. Le « Doubs » a perdu des eaux »!!

    N’y a-t-il pas de « sages femmes » dans le haut Doubs, pour assister une re-naissance de cette rivière contrariante, qui ne sait pas ce qu’elle veut, à cheval qu’elle est sur la frontière?

    Elle commence par regarder vers le Nord, puis le perd, pour prendre ensuite la direction inverse !!

    Accouchement « difficile » d’une conscience écologiste, malgré le « green washing » permanent des entités diverses et variées en charge de ‘protéger’ le patrimoine naturel.

    Inutile d’activer les contraction, l n’y a plus d’ergot de seigle sur les épis. Les céréales malades, handicapées , courtes sur pailles ne sont pas faites pour résister aux outrages de la nature. Il faut les rentrer vite fait, avant un épandage de « round up », pour « nettoyer » le terrain!!

    Un monde « idéal », vide,… vide ,……. vide………. de tous ses insectes, donc de tous ses oiseaux.

    Le propre de l’homme, c’est la folie. il n’y a pas d’autre issue pour nos cerveaux compliqués !!

    Heureusement , la terre n’oublie rien! Il suffit d’attendre sa vengeance.

    Gérard LACROIX.

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