Une consultation au chevet de la LOUE

C’est grave docteur ?

Oui, il y a 10 ans déjà des mortalités très importantes de poissons ont été constatées. Pas seulement les truites et les ombres qui font la réputation de cette rivière pour les pêcheurs, mais aussi les espèces discrètes comme la loche, le chabot ou le blageon.

Quelle est l’origine de cette maladie mortelle ?

Les analyses de poissons, de l’eau et du substrat ont montré la présence d’algues bleues, les Cyanophycées, dont certaines espèces, comme Oscillatoria, contiennent des toxines du système nerveux et du foie. La « mousse »  une Saprolégnia est le stade ultime.

Pourquoi cette crise a-t-elle eu lieu au printemps ?

Les eaux basses, l’ensoleillement, la température ont favorisé le développement de ces algues bleues qui prolifèrent à partir des nitrates et des phosphates présents en excès dans l’eau.

Le diagnostic : c’est un état de surcharge pondérale : trop de nutriments !

L’observation du fond de la rivière confirme le diagnostic : au début de l’été, à leur tour, les algues vertes filamenteuses se répandent partout, envahissent le fond, forment un tapis qui colmate et asphyxie le lit de la LOUE. On a pu peser par endroit, jusqu’à 4 kg d’algues fixées au fond, sur un mètre carré.

Ces symptômes traduisent une situation grave.

L’habitat des espèces aquatiques est perturbé, pas seulement pour les poissons, mais aussi pour les invertébrés. On a pu estimer la perte des populations de larves d’éphémères, de trichoptères et de plécoptères : des valeurs de l’ordre de mille fois moins pour les espèces polluosensibles que dans un écosystème non perturbé.

L’Office français de la biodiversité (OFB) a procédé à des campagnes de pêches électriques de recensement des poissons. Les données publiée montrent une perte très significative des populations, de 50% à 90% selon les secteurs, par rapport aux références des pêches de 1999, celles-ci étant déjà inférieures aux référentiels de l’abondance théorique estimée en 1975.

Il s’agit donc d’une maladie chronique qui s’aggrave avec le temps.

Y  a-t-il des soins ou un régime à prescrire ?

Oui, bien sûr : on sait que la pollution apportée par tout le bassin versant, environ 3000 km2 en zone karstique, se compose d’effluents domestiques, agricoles, industriels et de contaminations toxiques (phytosanitaires, et pesticides …)

La première mesure à prendre est de faire respecter les recommandations, les règlements, et les lois qui régissent tous les rejets dans le milieu naturel.

Une police de l’eau efficace doit intervenir sur des épandages de lisier hors saison (neige, sols gelés ou inondés….), sur des stations d’épuration mal entretenues, sur des rejets industriels non conformes.

Le traitement doit se prolonger à long terme, avec changement de pratiques.


L’ordonnance est la suivante :

  • préconiser les lessives sans phosphates pour le linge et aussi pour les lave-vaisselle, renforcer la surveillance des stations d’épuration
  • assurer la maîtrise des élevages porcins et de leurs effluents
  • décider l’arrêt de la dérive productiviste de l’AOP Comté, pour au contraire rechercher la qualité payée à son juste prix 
  • confirmer la conversion vers l’agriculture biologique
  • recommander la réduction drastique des phytosanitaires
  • entreprendre la restauration des zones humides pour que la rivière ait de l’eau en suffisance toute l’année, après les sécheresses 2018 et 2019, qui ont pénalisé 35 communes. 

  Il faut agir avec détermination pour informer et convaincre les Franc-comtois que ce patrimoine est un bien commun : il mérite d’être sauvé, il est précieux et unique.

Les associations de défense de l’environnement et du cadre de vie se sont réunies au sein du « Collectif SOS LOUE et rivières comtoises ». Elles sont déterminées à faire pression sur les pouvoirs publics, afin que :

Le traitement préventif et curatif soit enfin adopté et appliqué.

Le Collectif a déjà alerté la Commission Européenne au titre de la Directive Cadre sur l’Eau, qui impose aux États membres d’atteindre le bon état écologique des masses d’eau, pour 2015, puis 2027, sous peine d’astreintes financières. Le fait que la vallée de la Loue soit classée en NATURA 2000 est un atout pour obtenir des aides à une politique volontariste.

L’ordonnance du docteur doit être appliquée comme un traitement de fond,

 objectif : plusieurs années de régime pour retrouver la forme,

                         l’EPAGE, Etablissement Public d’Aménagement et de Gestion de l’Eau Haut-Doubs Haute Loue créé le 1er janvier 2020, nous dit assurer cette thérapie .. !

Cette structure a en charge  la gestion des cours d’eau, plans d’eau, zones humides,  la préservation de la biodiversité qu’hébergent ces milieux  ainsi que la prévention des inondations sur les zones à risque.


La convalescence sera longue !  


Texte de Jean-Pierre Herold – Janvier 2020

1 réflexion sur “Une consultation au chevet de la LOUE”

  1. Bonjour, nos lacs et rivières du Haut-Doubs souffrent également de pollution diverses….. quand on sait que le Doubs alimente en partie la Loue , on comprend que le problème est également à traiter bien en amont . Certaines de nos stations de traitement des eaux usées sont vieillissantes ou obsolètes, de plus les orages ou pluies importantes , engendrent des débordements d’égouts récurrents dans le Doubs comme dans le lac de St Point . Nous nous battons pour faire bouger les choses , mais c’est long , très long à mettre en place avec l’agence nationale de l’eau !!! et nos rivières et lacs crèvent à petits feux . Il y a également le problème des épandages agricoles , qui ont un impact certain sur la qualité de nos eaux …. l’eau arrive au robinet donc , pas de soucis pour bon nb de citoyens ! hélas , hélas la prise de conscience est encore trop limitée !

Répondre à Michel PEPE Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.