« Parfums » de crues : la vôtre, elle sent quoi ?

     LES CRUES, OUI, ET APRES ?  

Texte de JP Herold

Le débit des rivières a été multiplié par un facteur 10 en une semaine suite à la neige et aux fortes pluies, et en conséquence ces crues ont des effets visibles : elles laisseront des traces appelées : « laisses de crues » qui sont des résidus en tout genre entraînés et déposés dans les zones inondées.

Il s’agit surtout du lit majeur des rivières inondées par un effet «chasse d’eau» qui mobilise tous les polluants accumulés durant les mois de sécheresse. Les plastiques sont bien sûr les plus visibles, pendus aux arbres et buissons, le long des rives, mais d’autres produits, nombreux, sont bien présents et plus discrets. Ces « laisses » se présentent encore sous la forme d’une mousse collante ou d’une pellicule gluante qui tapissent la végétation ou le sol.  

Pour identifier l’origine de ces résidus qui peuvent être toxiques, il est difficile de procéder à des analyses chimiques ou biologiques. Le meilleur appareil de détection est alors le système olfactif….  Oui, l’odorat est un capteur d’informations excellent, c’est même un outil de travail des spécialistes des arômes et des parfums qu’on appelle les « nez » . 

Comment procéder pour identifier l’origine de ces « laisses de crues « ?

Prélever une petite part de cette mousse et la frotter entre ses paumes, approcher le nez au plus près… et sentir lentement :

  • si la dominante est une odeur de pétrole : il s’agit de cuve de mazout noyée, d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (résidus de combustion du mazout / gasoil = HAP cancérigène)
  • si la dominante est une odeur de lessive : il s’agit de tuyaux d’évacuation et de fosses septiques noyées (détergents et surfactants toxiques)
  • si la dominante rappelle la matière organique fermentée : il s’agit de STEP (station d’épuration) noyée, réseau rincé, lisier, purin et le reste (surcharge en bactéries pathogènes).

L’ensemble de ces « arômes » sont adsorbés sur des matières organiques (protéines) ou des MES (matières en suspension, dont des argiles). Tout le lit majeur des rivières inondées est crépi de ce mélange odorant et adhésif, dont l’identification peut être délicate, mais leur toxicité est certaine.

Pour la faune aquatique, on a fort peu de données sur les effets toxiques pour la simple raison que personne ne procède à des prélèvements, car face à l’urgence, les actions qui sont les plus indispensables sont d’abord l’entraide et la solidarité, puis les déclarations aux assurances…

Et puis analyser quelle eau ?  Celle du courant principal de crue ou celles des remontées de nappe, des reflux des égouts, des inondations de surfaces agricoles ?

La turbidité, les matières en suspension (MES), les irisations d’hydrocarbures en surface, les matières organiques de toutes origines, les mousses de nature indéterminées et tous les déchets flottants sont autant de signes de pollutions !

Trop souvent, la collectivité compte sur les courants violents pour évacuer ces dangers vers l’aval et confier « in fine » au milieu marin le soin de digérer tout ces apports grâce au volume du milieu récepteur.

On a tous vu l’ampleur des concentrations de ces masses de déchets, dont les plastiques divers sont les plus visibles, et forment un véritable continent de déchets flottants .

Les poissons et la faune des invertébrés semblent résister à ce déferlement puisque on retrouve, lors du retour aux débits moyens des rivières une répartition « normale »  entre zone à truite, zone à ombre, zone à barbeau et zone à brème….. 

Cependant les limites mobiles et imprécises de ces zones évoluent vers l’amont des cours d’eau au fil des années. Le linéaire des rivières à truites se réduit ainsi aux parcours situés en tête de bassin versant. Le réchauffement climatique est aussi suspecté de participer à cette évolution pour une moyenne de température de +1,5°C des eaux continentales en quelques dizaines d’années.  

Donc pressions de pollution et dérive climatique contribuent à la perte de qualité des rivières de Franche-Comté et à leur banalisation. 

Mais on peut tous lutter contre cette évolution négative en maîtrisant nos déchets et notre consommation d’énergie.