C’était mieux avant ? Épisode 1 – Daniel et le Gland

Nous ouvrons sur ce site une nouvelle rubrique intitulée “C’était mieux avant ?”. Le principe : faire parler la mémoire des rivières à travers les hommes et les femmes qui les connaissent et les fréquentent depuis longtemps. Qui mieux qu’eux peuvent en parler et expliquer à la jeune génération ce que nous sommes en train de perdre ? 

Pour ce premier épisode, rencontre avec Daniel, 74 ans, dans le Doubs, du côté d’Hérimoncourt

Bonjour Daniel, dites-moi, comment êtes-vous “tombé dans l’eau” ?

Je n’ai jamais été pêcheur … mais les rivières, les sources, ainsi que leurs “habitants” m’ont toujours intéressés. Sans doute l’influence familiale ? Ou un vieil atavisme celte ? D’ailleurs, vous saviez que le mot « Gland » aurait des racines celtes paraît-il ? (source : Le nom du Gland, attesté depuis le moyen âge, venait probablement d’une racine celtique glanna désignant les rives.)

Mon père était responsable du groupe spéléo d’Hérimoncourt et m’a entraîné tout jeune dans les vallées de la Creuse et de la Doue. Entre autres explorations locales. On cherchait des grottes et des sources partout…
Il a été sollicité dans les années 50 pour rechercher la cause de la pollution du circuit de distribution de l’eau potable du village de Blamont. A l’époque, leurs égouts s’infiltraient directement dans leur source de captage de la Creuse !

Nous avons aussi découvert la résurgence utilisée à présent comme captage principal de Blamont. Appelé le puit Bernard. C’est mon père et moi-même qui avons commencé à déblayer la cavité.
Beaucoup plus tard j’ai été pris à partie lors d’une réunion concernant le dysfonctionnement de l’ancienne station de Blamont. Je prétendais qu’elle fonctionnait mal. J’ai travaillé épisodiquement pendant mes études dans une entreprise d’épuration des eaux ce qui m’a permis d’être assez affirmatif. Au grand dam des élus qui participaient à la réunion.
Heureusement, le garde pêche fédéral m’a accompagné sur le terrain pour le constater et peu de temps après une nouvelle station était construite.

La nouvelle station d’épuration de Blamont

Vous n’êtes pas la première personne « d’un certain âge » qui me parle avec regret des vertes années. Pouvez-vous m’en dire plus sur cette dégradation que vous avez observée personnellement ?

La vallée du Gland est dans mon ADN. Ce ruisseau recelait moultes aiguillettes, ablettes, baous (chabots) et évidemment truites … fario. Sans parler des libellules, serpents, lézards et oiseaux de rivière. Seule une personne ayant vu pendant plus de cinquante années cette triste récession peut témoigner de cette catastrophe. L’envie de disparaître nous saisit tout à coup… 

Photo d’illustration. Les bord du Gland au début du XXème siècle

Les jeunes peuvent difficilement comprendre cela car leur notion d’espace-temps est encore trop réduite. Jusque dans les années 60 c’était encore négligeable. Mais ensuite la dégradation a été exponentielle. Si seulement la pandémie qui nous frappe pouvait changer nos comportements. Mais j’en doute fortement.

J’écris de courtes nouvelles chez short édition sous le pseudo de Don Quichotte, et je pensais écrire quelque chose prochainement sur ce sujet. Vous pouvez jeter un oeil à mon compte chez Short édition : Mes nouvelles

Mon idée… Le titre : “L’horreur du val” Et le texte débuterait ainsi: “C’est un trou de verdure où chante une rivière….”. Sauf que dans ce cas ce n’est pas un soldat mort sur ses rives mais la rivière elle-même qui est morte ! 

Avez-vous connu des cas particuliers de pollution ?

Une association était née qui avait joué la première son rôle de lanceuse d’alerte “Sauvons le Gland”. C’est le début d’une salutaire prise de conscience. Daniel Prévost avait même, dans le cadre des émissions humoristiques type “tribunal des flagrants délires” réalisé un reportage sur le secteur. Il s’amusait sur les jeux de mots qu’on peut faire à propos du Gland. Un peu comme ses sketches sur le village de Montcuq… “Il faut donc nettoyer le Gland” disait-il.

J’ai connu la pollution Zindel à Seloncourt qui a ravagé tout le cours inférieur du Gland. Puis la pollution au PCB qui semble prendre naissance après l’usine PSA d’Hérimoncourt, je mets ça au conditionnel mais c’est une coïncidence à explorer, n’est-ce pas ?
Dans les années 80/90, mon fils qui effectuait son service national comme objecteur dans la commune d’Hérimoncourt, avait recensé tous les rejets sauvages dans la rivière. Il avait proposé carrément de les cimenter pour les obstruer. Mais le maire de l’époque avait refusé. Sans doute par électoralisme. Surtout que beaucoup de ces rejets étaient situés sous l’usine PSA Peugeot à l’époque.

Depuis que la gestion de la rivière a été reprise en charge par les municipalités, plus aucun scandale majeur n’a été dénoncé. A mon avis, c’est parce qu’à présent, dans la structure actuelle, les communes sont à la fois “juge et partie”. D’où le rôle des associations indépendantes… face aux structures étatiques. 

Photo d’illustration – Source de la Doue – Glay – Début du XXème siècle

En amont, la Doue est polluée par l’agriculture Suisse, et la Creuse, la Fouge etc… sont sous l’influence des villages du plateau de Blamont.C’est surtout l’examen minutieux de la rivière qui montre le changement depuis les années 50 : des mousses partout, une vie animale qui a presque disparu. Avec les conséquences pour tous les animaux qui vivent sur les rives. De temps en temps un héron ou un martin pêcheur. Rarement une couleuvre… L’eau est assez claire mais rien ne vit dedans.

J’avais tenté de réveiller quelques pêcheurs qui somnolaient sur les rives du Gland. Mais j’ai eu l’impression que tant qu’ils touchaient quelques subventions pour pouvoir aleviner, le reste leur importait peu. La révolte n’est pas dans leurs gênes ! Sauf ceux de SOS LRC apparemment !


Puisque vous êtes ici…, on vous rappelle que vous pouvez SOUTENIR le collectif SOS Loue et Rivières Comtoises en adhérant— et cela ne prend qu’une minute, en cliquant ICIOn a besoin de vous ! Merci !

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