Suite à vos nombreux retours positifs concernant notre premier épisode, on continue notre rubrique “C’était mieux avant ?” pour faire parler la mémoire des rivières à travers les hommes et les femmes qui les connaissent et les fréquentent depuis longtemps. Après Daniel et le Gland, rencontre avec Robert, 82 ans, amoureux du Dessoubre.
Bonjour Robert, comment tout cela a commencé ?
J’ai été alerté au début de la pollution inquiétante du Dessoubre par un ami, j’ai été figé par l’horrible spectacle des ombres et truites affligés des gros abcès blanchâtres. J’en ai même pleuré comme un gamin.
On sent, en vous lisant, que le Dessoubre occupe une place particulière dans votre cœur. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce cours d’eau ? Qu’a-t-il de si particulier à vos yeux ?
Gamin, je passais mes vacances chez mon oncle Henry à Cour-Saint-Maurice. Mon oncle était un jeune résistant. Il avait été hébergé dans le village et était resté pour Simone. Tâcheron sur le Dessoubre, il agrémentait l’ordinaire avec deux vaches et quelques prélèvements dans le Dessoubre. Sur les consignes de mon oncle, je passais mes vacances à pousser ses vaches, dans les pâtures voisines. Citadin fort maladroit, je mettais beaucoup de temps pour faire progresser le maigre troupeau dans l’unique enclos d’Henry. La traite faite, l’oncle sifflait Tom, le chien qui adroitement enfilait sa tête dans le collier de la charrette chargée de la bouille de lait. Il rejoignait en chemin ses confrères et l’âne de la ferme voisine. Devant la fruitière du village, chacun stationnait en attente du fromager pour le transfert du précieux lait. Tom au retour happait sa récompense, un bol de lait et recevait mes papouilles. Le Comté était sur la table de l’oncle ; ainsi que la saucisse, le jambon ; mais plus rarement, comme le lisier, enfin, fumier à l’époque, qui était répandu sur les terres les plus pauvres.
Il paraît que les rivières ont bien changé en 50 ans. Qu’en pensez-vous ?
En ces jours confinés, et parce que le jour d’après sera accompagné d’une crise économique, on se doit d’accompagner les méfaits de l’industrialisation et en particulier du succès du fromage comtois, par des solutions de traitement adaptées au volume du lisier.
Regarder dans le rétroviseur, comme le propose cette rubrique, peut être utile, certes, mais homme de progrès, malgré mon grand âge (82 ans !); je vois droit devant ; car il me paraît important et urgent de créer un centre de recherche de traitement des lisiers et de ne point trop blâmer nos producteurs d’un lait de qualité.
J’aime autant à être derrière le cul de vaches que de leurrer une saine truite zébrée comtoise. Mon rêve serait de ne plus culpabiliser en dégustant le fameux Comté et de savourer ma truite sans inquiétude ; et donc de réconcilier paysans, pêcheurs et écologistes. Selon moi, ceci passe par un investissement en recherche, le jour d’après.
La particularité de notre région, la richesse de son lait, le savoir faire de la filière se doivent d’être compatible avec la renommée mondiale piscicole de nos rivières, d’avant.
J’ai connu le tourisme halieutique mondial, qui allait de paire avec la qualité de notre gastronomie. Je rêve de retrouver les tablées mémorables à la « Piquette », autre lieu mythique de la merveille Loue, sœur de mon cher Doubs.
Occire le « saprolegnia» serait souhaitable. Après Covid-19 ; ce serait mon rêve les yeux ouverts !
Puisque vous êtes ici…, le collectif SOS Loue et Rivières Comtoises a besoin de votre aide. Cliquez ici pour nous SOUTENIR — et cela ne prend qu’une minute. On a besoin de vous ! Merci !
Bonus : petit texte écrit et mis en images par Robert Roy sur le Dessoubre
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Le-dessoubre-par-Robert-Roy
il faut tout de même intégrer qu’avant les rivières ont servi de force motrice, leur eau était utilisée dans les tanneries, les teintureries, les eaux usées partaient toutes à la rivière, mais la pression humaine était beaucoup plus faible du fait d’une population moindre et d’une technologie rudimentaire. Aujourd’hui, c’est « la course à l’échalotte » et un exploitant agricole produit vingt fois celle de ses aînés. La pression antropique est largement plus élevée.
Très intéressant !
Il faut dire que « le bon vieux temps » n’était pas si bon que cela pour beaucoup de gens.
Mais pour les rivières c’est bien le contraire.
Malgré les rejets divers, y compris d’ailleurs les seaux hygiéniques de nos grand-mères, les rivières d’antan foisonnaient de vie.
Tous les matins on voyait chez moi les mémés en bigoudis qui allaient verser leur seau et leur pot de chambre directement par-dessus la balustrade du pont de la rue neuve (devenu depuis la rue du 17 novembre) en notre bonne ville d’Hérimoncourt.
Preuve que ces « pollutions » n’en n’étaient pas vraiment.
Robert a un sacré coup de crayon !
Merci aussi pour le petit texte qu’il m’a envoyé concernant ma rivière le Gland, dont le nom ne serait pas romain mais celte d’après d’autres auteurs.
C’est vrai André…
Mais je suis convaincu que le type de pollution actuelle, (comme le lisier qui n’existait pas à l’époque, puisqu’on utilisait un vrai engrais naturel, le fumier) n’a rien à voir avec ces « pollutions » anciennes.
D’ailleurs à l’époque on consommait déjà local, on cultivait bio sans le savoir (comme monsieur Jourdain qui faisait de la prose) et on ne se sentait pas obligé d’envahir le monde avec notre Comté.
Dans ce nouvel ordre mercantile et « cannibale du monde » (Jean Ziegler).
Vous savez… ce monde de la concurence librement faussée ?
Ce monde du « renard libre dans le poulailler libre ».
Sur ce… je vais voir au bord du Gland si mes petites poules m’ont fait des oeufs !